Après une entrevue bâclée suivie d’une action musclée dans le magasin de Laval la semaine passée, une nouvelle opportunité a été donnée aux dirigeants de Carrefour de convaincre la FDSEA et JA des bonnes intentions de l’enseigne.
Depuis plusieurs semaines, partout en France, la pression des syndicats agricoles sur l’aval des filières alimentaires s’intensifie. Les grandes surfaces de la Mayenne ne sont guère épargnées. D’abord convoquées à s’expliquer sur leurs pratiques vis-à-vis de l’origine des produits, certaines ont ensuite été visitées et visées par des déréférencements massifs de produits jugés non conformes à la loi Egalim 2. Dans un contexte de hausses de charges jamais connu auparavant, l’avenir de l’agriculture se joue actuellement dans les boxes des négociations commerciales où, comme tous les ans jusqu’au 1er mars, industriels et distributeurs s’écharpent pour engranger la meilleure marge sur les produits. Seulement, au sein de ce jeu de dupes, Egalim2 apporte son lot de carcans. La contractualisation obligatoire, la prise en compte des coûts de production dans le prix du produit agricole et la non négociabilité de la matière première sont des garde-fous sur lesquels s’appuie l’amont, pour tenter de faire contrepoids.
Cette fichue option 3
« Blanc bonnet et bonnet blanc »... L’expression pourrait être encore utilisée cette année pour caractériser l’attitude de l’aval de la filière. Car dès lors qu’il est question d’évoquer plus précisément les montants de hausses de prix négociés et la part revenant à la production, le brouillard s’épaissit. Ce qui a le don d’agacer les représentants professionnels. D’autant lorsque Carrefour leur rapporte que 80% des industriels auraient choisi l’option 3 dans leurs contrats (non transparence sur les hausses de prix exigées), 18% l’option 2 et seulement 2% l’option 1 (pleine transparence). « De fait, on nous demande de passer des hausses de prix sans même savoir quelle part que représente la matière agricole, se défend Laurent Gallaire. On ne sait d’ailleurs pas si les contrats ont été signés en amont avec les producteurs... ». « Le manque de transparence, on est sûr que cela arrange tout le monde, sauf nous », rétorque Florent Renaudier. Et François Blot, président de JA, de poursuivre : « si je prends l’exemple du Camembert, il y a 25 ans vous l’aviez à 10 francs dans vos rayons. Aujourd’hui, il coûte entre 1,20 et 1,50 €. Vos arguments, ça ne prend plus ! » Avant de lancer : « vous êtes des irresponsables ! Irresponsables quand vous importez des produits étrangers qui sont moins-disant que nos normes environnementales ou sociales ! Irresponsables quand vous laissez croire aux consommateurs que les produits alimentaires n’ont finalement pas de valeur ! ». Si personne ne mise donc encore sur un retour sonnant et trébuchant dans les cours de fermes dès mars prochain, l’étau se resserre peu à peu sur certains acteurs de l’aval, vraisemblablement encore nostalgiques des bons coups d’autrefois. « Il reste encore 10 jours pour finir les négociations, 10 jours où nous allons maintenir la pression. Passé le 1er mars, des contrôles vont se faire sur les conditions générales de vente des contrats. On verra alors qui parmi les enseignes et les industriels, sont les vrais professionnels et les plus éthiques », assure le président de la FDSEA.